Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/307

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Parbleu, je sais bien qu’au point de vue théologique, il importe peu que j’aie affaire à un prêtre ou à un trappiste ; l’un et l’autre ne sont que des truchements entre Dieu et moi, mais enfin, je sens très bien aussi que ce n’est pas du tout la même chose. Pour une fois au moins, j’ai besoin d’une garantie, d’une certitude de sainteté et comment l’avoir avec un ecclésiastique qui colporte les plaisanteries d’un placier en vins ? — Il s’arrêta, songeant que l’abbé Gévresin l’avait précisément, par crainte de ces méfiances, envoyé dans une Trappe. — Quelle déveine ! se dit-il.

Il n’écoutait même point l’entretien qui se traînait, à côté de lui, entre le vicaire et l’oblat.

Il se battait, tout seul, en mâchant, le nez dans son assiette.

— Je n’ai pas envie de communier demain, reprit-il ; et il se révolta. Il était lâche et il devenait imbécile à la fin. Est-ce que le Sauveur ne se donnerait pas à lui, quand même ?

Il sortit de table, agité par une angoisse sourde et il erra dans le parc et dévala au hasard des allées.

Une autre idée s’implantait maintenant, l’idée d’une épreuve que lui infligeait le Ciel. Je manque d’humilité, se répétait-il ; eh bien, c’est pour me punir que la joie d’être sanctifié par un moine m’est refusée. — Le Christ m’a pardonné, c’est déjà beaucoup. — Pourquoi m’accorderait-il davantage, en tenant compte de mes préférences, en exauçant mes vœux ?

Cette pensée l’apaisa pendant quelques minutes ; et il se reprocha ses révoltes, s’accusa d’être injuste envers un prêtre qui pouvait être, après tout, un saint.