Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/33

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prennent un mot du latin qu’ils chantent et qu’ils abrègent, du reste, ainsi que dans le « Dies iræ » dont ils suppriment une partie des strophes.

De son côté, la bedeaudaille suppute les fonds que le trépassé rapporte et le prêtre même, excédé par ces prières qu’il a tant lues et pressé par l’heure du repas, expédie l’office, prie mécaniquement du bout des lèvres, tandis que les assistants ont hâte, eux aussi, que la messe, qu’ils n’ont pas écoutée d’ailleurs, s’achève pour serrer la main des parents et quitter le mort.

C’est une inattention absolue, un ennui profond. Et pourtant, c’est effrayant ce qui est là, sur des tréteaux, ce qui attend là, dans l’église ; car enfin, c’est l’étable vide, à jamais abandonnée, du corps ; et c’est cette étable même qui s’effondre. Du purin qui fétide, des gaz qui émigrent, de la viande qui tourne, c’est tout ce qui reste !

Et l’âme, maintenant que la vie n’est plus et que tout commence ? Personne n’y songe ; pas même la famille, énervée par la longueur de l’office, absorbée dans son chagrin et qui ne regrette, en somme, que la présence visible de l’être qu’elle a perdu, personne, excepté moi, se disait Durtal, et quelques curieux qui s’unissent, terrifiés, au « Dies iræ » et au « Libera » dont ils comprennent et la langue et le sens !

Alors, par le son extérieur des mots, sans l’aide du recueillement, sans l’appui même de la réflexion, l’Église agit.

Et c’est là le miracle de sa liturgie, le pouvoir de son verbe, le prodige toujours renaissant des paroles créées par des temps révolus, des