Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/334

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se fait pas en une heure ; l’orchidée dont vous parlez ne fleurit pas en un jour ; l’on avance si lentement, que les mortifications s’espacent, que les fatigues se répartissent sur les années et qu’on les tolère aisément, en somme.

En règle générale, il faut, pour franchir la distance qui nous sépare du Créateur, passer par les trois degrés de cette science de la Perfection chrétienne qu’est la Mystique ; il faut successivement vivre la vie Purgative, la vie Illuminative, la vie Unitive, pour joindre le Bien incréé et se verser en lui.

Que ces trois grandes phases de l’existence ascétique se subdivisent, elles-mêmes, en une infinité d’étapes, que ces étapes soient des degrés pour saint Bonaventure, des demeures pour sainte Térèse, des pas pour sainte Angèle, peu importe ; ils peuvent varier de longueur et de nombre, suivant la volonté du seigneur et le tempérament de ceux qui les parcourent. Il n’en reste pas moins acquis que l’itinéraire de l’âme vers Dieu comprend, d’abord, des chemins à pic et des casse-cou — ce sont les chemins de la vie purgative — puis, des sentiers encore étroits, mais déjà taillés en lacets et accessibles — ce sont les sentiers de la vie illuminative — enfin, une route large, presque plane, la route de la vie unitive, au bout de laquelle l’âme se jette dans la fournaise de l’Amour, tombe dans l’abîme de la suradorable infinité !

En somme, ces trois voies sont successivement réservées à ceux qui débutent dans l’ascèse chrétienne, à ceux qui la pratiquent, à ceux enfin qui touchent le but suprême, la mort de leur Moi et la vie en Dieu.