Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/364

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pourvu qu’à la dernière minute il se repente, il est sauvé !

— Mais non ! la contrition n’enlève que l’éternité de la peine et non la peine même ! chacun doit être puni ou récompensé, selon ses œuvres. Celui qui sera souillé d’un parricide ou d’un inceste supportera un châtiment autrement pénible, autrement long que celui qui ne les aura point commis ; l’égalité dans la souffrance piaculaire, dans la douleur réparatrice, n’existe pas.

Au reste, cette idée d’une vie purgative après la mort est si naturelle, si certaine, que toutes les religions l’assument. Pour toutes, l’âme est une sorte d’aérostat qui ne peut monter, atteindre ses fins dernières dans l’espace, qu’en jetant son lest. Dans les cultes de l’Orient, l’âme, pour se dépurer, se réincarne ; elle se frotte dans de nouveaux corps, ainsi qu’une lame dans des couches de grès qui l’éclaircissent. Pour nous autres, catholiques, elle ne subit aucun avatar terrestre, mais elle s’allège, se dérouille, s’éclaire dans le Purgatoire où Dieu la transforme, l’attire, l’extrait peu à peu de sa gangue de péchés, jusqu’à ce qu’elle puisse s’élever et se perdre en lui.

Pour en finir avec cette irritante question d’un perpétuel enfer, comment ne point concevoir que la justice divine hésite, la plupart du temps, à prononcer d’inexorables arrêts. L’humanité est, en majeure partie, composée de scélérats inconscients et d’imbéciles qui ne se rendent même pas compte de la portée de leurs fautes. Ceux-là, leur parfaite incompréhension les sauve. Quant aux autres qui se putréfient, en sachant ce qu’ils font, ils sont évidemment plus coupables, mais la Société qui hait les gens supérieurs se charge, elle-même, de les