Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ! et l’atavisme ? et le milieu ? et les maladies du cerveau et des moelles ? est-ce qu’un homme agité d’impulsions maladives, envahi par des troubles génésiques, est responsable de ses actes ?

— Mais qu’est-ce qui dit que, dans ces conditions-là, on lui impute là-haut, ces actes ? — c’est idiot, à la fin, de toujours comparer la justice divine aux tribunaux des hommes ! mais c’est tout le contraire ; les jugements humains sont souvent si infâmes qu’ils avèrent qu’une autre équité existe. Mieux que les preuves de la théodicée, la magistrature prouve Dieu, car, sans lui, comment serait-il assouvi cet instinct de justice si inné en chacun de nous que même les plus humbles des bêtes l’ont ?

— Tout cela n’empêche, reprit la voix, que le caractère change suivant que l’estomac fonctionne bien ou mal ; la médisance, la colère, l’envie, c’est de la bile accumulée ou de la digestion ratée ; la bonhomie, la joie, c’est le sang qui circule librement, le corps qui s’épanouit à l’aise ; les mystiques sont des anémo-nerveux ; les extatiques sont des hystériques mal nourris, les maisons d’aliénés en regorgent ; ils dépendent de la science quand les visions commencent.

Du coup, Durtal se remit ; les arguments matérialistes étaient peu inquiétants, car aucun ne tenait debout ; tous confondaient la fonction et l’organe, l’habitant et le logis, l’horloge et l’heure. Leurs assertions ne reposaient sur aucune base. Assimiler la bienheureuse lucidité et l’inégalable génie d’une sainte Térèse aux extravagances des nymphomanes et des folles, c’était si obtus, si niais, qu’on ne pouvait vraiment qu’en rire !