Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/372

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état, c’est le désespoir tenace et absolu, la pensée immuable du délaissement, la transe opiniâtre, que rien ne diminue, que rien n’apaise.

L’on n’ose plus, ni avancer, ni reculer ; on voudrait se terrer, attendre, en baissant la tête, la fin d’on ne sait quoi, être assuré que des menaces que l’on ignore et que l’on devine sont écartées. Durtal en était à ce point ; il ne pouvait revenir sur ses pas, car cette voie, qu’il avait quittée, lui faisait horreur. Il eût mieux aimé crever que de retourner à Paris pour y recommencer ses instances charnelles, pour y revivre ses heures de libertinage et d’ennuis ; mais s’il ne pouvait plus rebrousser chemin, il ne pouvait davantage marcher de l’avant, car la route aboutissait à un cul-de-sac. Si la terre le repoussait, le ciel se fermait en même temps, pour lui.

Il gisait, à mi-côte, dans la cécité, dans l’ombre, il ne savait où.

Et cet état s’aggravait d’une incompréhension absolue des causes qui l’amenaient, s’exagérait au souvenir des grâces autrefois reçues.

Durtal se rappelait la douceur des prémisses, la caresse des touches divines, cette marche continue et sans obstacles, cette rencontre d’un prêtre isolé, cet envoi à la Trappe, cette facilité même à se plier à la vie monastique, cette absolution aux effets vraiment sensibles, cette réponse rapide, nette, qu’il pouvait communier sans crainte.

Et, subitement, sans qu’il eût en somme, failli, celui qui l’avait jusqu’alors tenu par la main, refusait de le guider, le congédiait, sans dire mot, dans les ténèbres.

Tout est fini, pensa-t-il ; je suis condamné à flotter,