Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/374

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la triste faculté de l’analyse. Il se disait, se jaugeant d’un coup d’œil ; — Je suis comme la litière d’un cirque, piétiné par toutes les douleurs qui sortent et rentrent à tour de rôle. Les doutes sur la Foi, qui semblaient s’étirer dans tous les sens, tournaient, en somme, dans le même cercle. Et voici maintenant que les scrupules, dont je me croyais débarrassé, réapparaissent et me parcourent.

Comment expliquer cela ? cette torture, qui la lui infligeait, l’Esprit de Malice ou Dieu ?

Qu’il fût trituré par le Malin, cela était sûr ; la nature même de ces attaques décelait son étampe ; oui, mais comment interpréter cet abandon de Dieu ? car enfin, le Démon ne pouvait empêcher le Sauveur de l’assister ! et il était bien obligé de conclure que s’il était martyrisé par l’un, l’Autre se désintéressait, laissait faire, se retirait complètement de lui.

Cette constatation déduite de remarques précises, cette assurance raisonnée, l’acheva. Il en cria d’angoisse, regardant l’étang près duquel il marchait, souhaitant d’y tomber, jugeant que l’asphyxie, que la mort seraient préférables à une vie pareille.

Puis il trembla devant cette eau qui l’attirait et il s’enfuit, charria sa détresse au hasard des bois. Il tenta de l’user par de longues marches, mais il se fatiguait sans la lasser ; il finit par s’affaisser, moulu, brisé, devant la table du réfectoire.

Il considérait son assiette, sans courage pour manger, sans envie de boire ; il haletait, ne tenait plus, si éreinté qu’il fût, en place. Il se leva, erra dans la cour, jusqu’aux Complies et là, dans la chapelle où il espérait quand même trouver un soulagement, ce fut le comble ; la