Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/408

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sa chambre. Elle est étrange, fit-il en s’asseyant, cette impossibilité où l’on se trouve, dans un cloître, de lire un livre ; l’on n’a envie de rien ; on pense à Dieu par soi-même et non par les volumes qui vous en parlent.

Machinalement, il avait tiré d’un tas de bouquins un in-dix-huit, qu’il avait rencontré, sur sa table, le jour où il s’était installé dans la cellule ; celui-là exhibait ce titre : « Manrèse » ou « les Exercices spirituels » d’Ignace de Loyola.

Il avait déjà parcouru cet ouvrage à Paris et les pages qu’il feuilletait à nouveau ne changeaient pas l’impression rêche, presque hostile, qu’il avait conservée de ce livre.

Le fait est que ces exercices ne laissaient aucune initiative à l’âme ; ils la considéraient ainsi qu’une pâte molle bonne à couler dans un moule ; ils ne lui montraient aucun horizon, aucun ciel. Au lieu d’essayer de l’étendre, de la grandir, ils la rapetissaient de parti pris, la rabattaient dans les cases de leur gaufrier, ne la nourrissaient que de minuties fanées, que de vétilles sèches.

Cette culture japonaise d’arbres contrefaits et demeurés nains, cette déformation chinoise d’enfants plantés dans des pots, horripilaient Durtal qui ferma le volume.

Il en ouvrit un autre : « l’Introduction à la vie dévote », de saint François de Sales.

Certes, il n’éprouvait aucun besoin de le relire, malgré ses mignardises et sa bonhomie tout d’abord charmante mais qui finissaient par vous écœurer, par vous poisser l’âme avec ses dragées aux liqueurs et ses fondants ; en somme cette œuvre si vantée dans le monde des catholiques était un julep parfumé à la bergamote