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Saints Innocents où s’épanouissait, telle qu’une flore d’abattoir, en une gerbe cueillie sur un sol irrigué par le sang des agneaux, cette séquence rouge et sentant la rose qu’est le « Salvete flores martyrum », de Prudence ; — la couronne bougeait encore et l’hymne de l’Epiphanie, le « Crudelis Herodes » de Sedulius, paraissait à son tour.

Maintenant, les dimanches gravitaient, les dimanches violets où l’on n’entend plus le « Gloria in excelsis », où l’on chante l’« Audi Benigne » de saint Ambroise et le « Miserere », ce psaume couleur de cendre qui est peut-être le plus parfait chef-d’œuvre de tristesse qu’ait puisé, dans ses répertoires de plains-chants, l’Eglise.

C’était le Carême, dont les améthystes s’éteignaient dans le gris mouillé des hydrophanes, dans le blanc embrumé des quartz et l’invocation magnifique l’« Attende Domine » montait sous les cintres. Issu, comme le « Rorate coeli », des proses de l’Ancien Testament, ce chant humilié, contrit, énumérant les punitions méritées des fautes, devenait sinon moins douloureux, en tous cas plus grave encore et plus pressant, lorsqu’il confirmait, lorsqu’il résumait, dans la strophe initiale de son refrain, l’aveu déjà confessé des hontes.

Et, subitement, sur cette couronne éclatait, après les feux las des Carêmes, l’escarboucle en flamme de la Passion. Sur la suie bouleversée d’un ciel, une croix rouge se dressait et des hourras majestueux et des cris éplorés acclamaient le Fruit ensanglanté de l’arbre ; et le « Vexilla regis » se répétait encore, le dimanche suivant, à la férie des Rameaux qui joignait à cette prose de Fortunat l’hymne verte qu’elle accompagnait d’un