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Saint-Sulpice et à Saint-Thomas d’Aquin où l’on ressuscitait, après les Vêpres des trépassés, la vieille séquence disparue du bréviaire romain, le « Languentibus in Purgatorio ».

Cette église était la seule à Paris qui eût conservé ces pages de l’hymnaire gallican et elle les faisait détailler, sans maîtrise, par deux basses, mais ces chantres, si médiocres d’habitude, aimaient sans doute cette mélodie, car s’ils ne la chantaient pas avec art, ils l’expulsaient au moins dans un peu d’âme.

Et cette invocation à la Madone que l’on adjurait de sauver les âmes du Purgatoire était dolente comme ces âmes mêmes, et si mélancolique, si languide qu’on oubliait l’alentour, l’horreur de ce sanctuaire dont le chœur est une scène de théâtre, entourée de baignoires fermées et, garnie de lustres ; on rêvait, loin de Paris, quelques instants, hors de cette population de dévotes et de domestiques qui fréquente ce lieu, le soir.

Ah ! l’Eglise, se disait-il, en descendant le sentier qui conduisait au grand étang, quelle génitrice d’art ! et subitement, le bruit d’un corps tombant dans l’eau interrompit ses réflexions.

Il regarda derrière la haie des roseaux et ne vit rien, sinon de grands cercles courant sur l’onde et, tout à coup, dans l’un de ces ronds, une tête minuscule de chien parut tenant un poisson dans la gueule ; et la bête se haussa un peu hors de l’eau, montra un corps effilé et couvert d’une fourrure et, tranquillement, de ses petits yeux noirs, elle fixa Durtal.

Puis, en un éclair, elle franchit la distance qui la séparait du bord et disparut sous les herbes.