Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/430

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dans certains quartiers religieux de la rive gauche que dans les arrondissements situés sur l’autre rive ; plus vif dans quelques basiliques, plus pur, par exemple, à Notre-Dame des Victoires que dans les églises telles que la Trinité ou la Madeleine.

Mais le monastère était, en quelque sorte, la vraie plage et le haut plateau de l’âme. L’atmosphère y était balsamique ; les forces revenaient, l’appétit perdu de Dieu se ranimait ; c’était la santé succédant aux malaises, le régime fortifiant et soutenu substitué à la langueur, aux exercices restreints des villes.

Cette conviction qu’aucune duperie ne lui serait à Paris possible l’atterra. Il vagabonda de la cellule à la chapelle, de la chapelle dans les bois, attendant avec impatience l’heure du dîner pour pouvoir parler à quelqu’un, car, dans son désarroi, un nouveau besoin venait de naître. Il avait, depuis plus de huit jours, étiré des après-midi entières sans desserrer les dents ; il n’en souffrait pas, était même satisfait de ce silence, mais depuis qu’il était talonné par cette idée d’un départ, il ne pouvait plus se taire, pensait dans les allées, tout haut, pour alléger cette sensation de cœur gros qui l’étouffait.

M. Bruno était trop sagace pour ne point deviner le malaise de son compagnon, devenu tour à tour taciturne et bavard pendant le repas. Il fit semblant de ne rien voir, mais, après qu’il eut récité les grâces, il disparut et Durtal, qui rôdait près du grand étang, fut surpris de l’apercevoir se dirigeant de son côté avec le P. Étienne.

Ils l’accostèrent et le trappiste qui souriait lui proposa, s’il n’avait pas formé d’autre projet, de se distraire, en