Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/447

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trement dit, les trappistes, détachés de leur maison-mère, doivent gagner leur vie et se suffire.

Aussi, quand nous prîmes possession de ces bâtiments, étions-nous si pauvres que, depuis le pain jusqu’aux souliers, tout nous manquait ; mais nous n’avions aucune inquiétude sur l’avenir, car il n’y a pas d’exemple, dans l’histoire monastique, que la Providence n’ait point secouru les abbayes qui se fiaient à elle. Petit à petit, nous avons tiré de cette terre notre provende ; nous avons appris les métiers utiles ; maintenant nous fabriquons nos vêtements et nos chaussures ; nous moissonnons notre blé et cuisons notre pain ; notre existence matérielle est donc assurée, mais les impôts nous écrasent ; c’est pourquoi nous avons fondé cette fabrique dont le rapport devient, d’années en années, meilleur.

Dans un an ou deux, la bâtisse qui nous abrite et que nous n’avons pu faire réparer, faute d’argent, s’effondrera ; mais si Dieu permet que des âmes généreuses nous viennent en aide, peut-être serons-nous alors en état d’édifier un monastère et c’est notre souhait à tous, car vraiment cette bicoque, avec ses pièces à la débandade et sa chapelle en rotonde, nous est pénible.

L’abbé se tut encore, puis, après une pause, il dit, à mi-voix, se parlant à lui-même :

— On ne saurait le nier, un couvent qui n’a pas l’aspect d’un cloître est un obstacle aux vocations ; le postulant a besoin - c’est dans la nature, cela - de se pétrir dans un milieu qui lui plaise, de s’encourager dans une église qui l’enveloppe, dans une chapelle un peu