Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/459

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mourir assez à vous-même pour ne point contrarier ses plans.

— Je sais bien, fit Durtal, que tout s’est déplacé en moi, que je ne suis plus le même, mais ce qui m’ épouvante, c’est d’être sûr maintenant que les travaux de l’école Térésienne sont exacts… alors, alors… s’il faut passer par tous les rouleaux des laminoirs que saint Jean de la Croix décrit…

Un bruit de voiture, dans la cour, l’interrompit. M. Bruno s’en fut à la fenêtre et s’informa :

— Vos bagages sont descendus ?

— Oui.

Ils se regardèrent.

— Ecoutez, je voudrais vraiment vous dire…

— Non, non, ne me remerciez pas, s’écria l’oblat. Voyez-vous, je n’ai jamais si bien compris la misère de mon être ; ah ! si j’avais été un autre homme, j’aurais pu, en priant mieux, vous aider plus !

La porte s’ouvrit et le P. Etienne déclara :

— Vous n’avez pas une minute à perdre, si vous ne voulez pas manquer le train.

Ainsi bousculé par l’heure, Durtal n’eut que le temps d’embrasser son ami qui l’accompagna dans la cour. Sur une sorte de char à banc, un trappiste qui allongeait, sous un crâne chauve et des joues vergetées de fils roses, une grande barbe noire, l’attendait, assis.

Durtal pressait, une dernière fois, la main de l’hôtelier et de l’oblat, quand le père abbé vint, à son tour, lui souhaiter un bon voyage et, au bout de la cour, Durtal aperçut deux yeux qui le fixaient, ceux du frère