Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/465

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tre billet car j’entends siffler le train. Et Durtal n’eut que le temps, en effet, de serrer la main du père qui lui déposa son bagage dans le wagon.

Là, quand il fut seul assis, regardant le moine qui s’éloignait, il se sentit le cœur gonflé, prêt à se rompre.

Et dans le vacarme des ferrailles, le train partit.

Nettement, clairement, en une minute, Durtal se rendit compte de l’effrayant désarroi dans lequel l’avait jeté la Trappe.

Ah ! ce qu’en dehors d’elle, tout m’est égal et ce que plus rien ne m’ importe ! se cria-t-il. Et il gémit, sachant qu’il ne parviendrait plus, en effet, à s’intéresser à tout ce qui fait la joie des hommes ! L’inutilité de se soucier d’autre chose que de la Mystique et de la liturgie, de penser à autre chose qu’à Dieu, s’implanta si violemment en lui qu’il se demanda ce qu’il allait devenir à Paris avec des idées pareilles.

Il se vit, subissant les tracas des controverses, la lâcheté des condescendances, la vanité des affirmations, l’inanité des preuves. Il se vit, choqué, heurté par les réflexions de tout le monde, contraint désormais de s’avancer ou de reculer, de se taire.

Dans tous les cas, c’était la paix à jamais perdue. Comment, en effet, se rallier et se recouvrer, alors qu’il faudrait s’habiter dans un lieu de passage, dans une âme ouverte à tous les vents, visitée par la foule des pensées publiques ?

Son mépris des relations, son dégoût des accointances s’accrurent. Non, tout, plutôt que de me mêler encore à la société, se clama-t-il ; et il se tut, désespéré, car il n’i-