Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/64

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d’une sorte de dyspepsie d’âme, ne digérant plus les sujets coutumiers, cherchant pour se nourrir des ravigotes de songeries, des salaisons d’idées ; ce serait donc cette inappétence des repas sains qui aurait engendré cette convoitise de mets baroques, cet idéal trouble, cette envie de s’échapper hors de moi, de franchir, ne fût-ce que pendant une seconde, les lisières tolérées des sens.

Dans ce cas, le Catholicisme jouerait tout à la fois le rôle d’un révulsif et d’un déprimant. Il stimulerait ces souhaits maladifs et il me débiliterait en même temps, me livrerait, sans vigueur pour résister, à l’émoi de mes nerfs.

À force de s’ausculter, en errant ainsi, il finissait par s’acculer dans une impasse, aboutissait à cette conclusion : je ne pratique pas ma religion parce que je cède à d’ignobles instincts et je cède à ces instincts parce que je ne pratique pas ma religion.

Mais ainsi au pied du mur, il regimbait, se demandant si cette dernière observation était bien juste ; car enfin, rien ne prouvait qu’après s’être approché des Sacrements, il ne serait pas attaqué plus violemment encore. C’était même probable, car le démon s’acharnait surtout sur les gens pieux.

Puis il se révoltait contre la lâcheté de ces remarques, se criait : je me mens, car je sais bien que si je faisais seulement mine de me défendre, je serais Là-Haut puissamment aidé.

Habile à se tourmenter, il continuait à se piétiner l’âme, toujours sur la même piste. Admettons, se disait-il, que, par impossible, j’aie maté mon orgueil et réduit mon corps, admettons qu’il ne me reste plus, à l’heure