Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/68

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s’était-il volontiers appuyé sur le bras de Durtal qui l’avait accompagné jusqu’à sa porte.

— C’est un sujet magnifique que l’existence de cette victime des péchés de son temps, disait-il ; vous vous la rappelez, n’est-ce pas ? Et il en avait, à grands traits, retracé, tout en cheminant, les lignes.

Lidwine était née vers la fin du XIVe siècle, à Schcida, en Hollande. Sa beauté était extraordinaire, mais elle tomba malade vers quinze ans et devint laide. Elle entre en convalescence, se rétablit et un jour qu’elle patine avec des camarades sur les canaux glacés de la ville, elle fait une chute et se brise une côte. À partir de cet accident, elle demeure étendue sur un grabat jusqu’à sa mort ; les maux les plus effrayants se ruent sur elle, la gangrène court dans ses plaies et de ses chairs en putréfaction naissent des vers. La terrible maladie du Moyen Age, le feu sacré, la consume. Son bras droit est rongé ; il ne reste qu’un seul nerf qui empêche ce bras de se séparer du corps ; son front se fend du haut en bas, un de ses yeux s’éteint et l’autre devient si faible qu’il ne peut supporter aucune lueur.

Sur ces entrefaites, la peste ravage la Hollande, décime la cité qu’elle habite ; elle est la première atteinte ; deux pustules se forment, l’une, sous un bras, l’autre, dans la région du cœur. Deux pustules, c’est bien, dit-elle au Seigneur, mais trois seraient mieux, en l’honneur de la Trinité Sainte ; et aussitôt un troisième bouton lui crève la face.

Pendant trente-cinq années, elle vécut dans une cave, ne prenant aucun aliment solide, priant et pleurant ; si transie, l’hiver, que, le matin, ses larmes for-