Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/94

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une fois dans sa chambre, il eut une distension et un éclat d’âme. Il avait envie de remercier, de demander miséricorde, d’appeler, il ne savait qui, de quérir il ne savait quoi. Et soudain ce besoin de s’épancher, de sortir de lui-même, se précisa et il tomba à genoux, disant à la Vierge :

— Ayez pitié, écoutez-moi ; j’aime mieux tout plutôt que de rester ainsi, que de continuer cette existence ballottée et sans but, ces étapes vaines ! Pardonnez, Sainte Vierge, au salaud que je suis, car je n’ai aucun courage pour commencer les hostilités, pour me combattre ! ah ! si vous vouliez ! je sais bien que c’est fort d’oser vous supplier, alors que l’on n’est même pas résolu à retourner son âme, à la vider comme un seau d’ordures, à taper sur son fond, pour en faire couler la lie, pour en détacher le tartre, mais… mais… que voulez-vous, je me sens si débile, si peu sûr de moi, qu’en vérité, je recule !

Oh ! tout de même ce que je voudrais m’en aller, être hors d’ici, à mille lieues de Paris, je ne sais où, dans un cloître ! Mon Dieu ! c’est fou ce que je vous raconte, car je ne resterais pas deux jours dans un couvent et l’on ne m’y recevrait pas d’ailleurs !

Et il se fit cette réflexion.

Pour une fois que je suis moins sec, moins malpropre que de coutume, je ne trouve à dire à la Vierge que des insanités et des niaiseries, alors qu’il serait si simple de solliciter son pardon, de l’implorer pour qu’elle ait pitié de ma vie déserte, pour qu’elle m’aide à résister aux sommations de mes vices, à ne plus payer, ainsi que je le fais, les redevances des nerfs, l’impôt des sens !