Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/110

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l’on puisse, en province, aimablement flâner, se disait-il en descendant l’avenue de la gare ; il enfila la place Darcy où la gloire qui subsiste encore, en cet endroit, du sculpteur Rude s’affirme en une confiante statue de bronze et, franchissant la porte Guillaume, il s’engagea dans la rue de la liberté, jusqu’à la rue des forges, tourna et arriva devant la façade de Notre-Dame.

Là, il s’arrêta pour contempler, une fois de plus, la grave et maligne église  ; malgré les rafistolages qu’elle avait subis, elle était restée bien personnelle, bien à part dans l’art du treizième siècle  ; elle ne ressemblait à aucune autre, avec ses deux étages d’arcatures, formant des galeries ajourées, au-dessus des trois baies profondes du grand porche. Et des files de grotesques se succédaient, à chaque étage, en de larges frises, des grotesques réparés et même complètement refaits, mais très habilement, par un artiste ayant eu vraiment le sens du Moyen-Age. Il était assez difficile, à la hauteur où ils se démenaient et, faute d’un recul suffisant, de les bien voir  ; l’on discernait néanmoins, ainsi que dans l’habituel troupeau des monstres nichés sur les tours des cathédrales, les deux séries, mal délimitées, des démons et des hommes.

Les démons, sous l’aspect connu des mauvais anges, aux ailes papelonnées d’écailles, au chef hérissé de cornes, arborant un masque de gorgone entre les jambes  ; ou d’animaux extravagants, de lions mâtinés de génisse ; de bêtes à mufle de léopard et à pelage d’onagre ou de bouc ; de bœufs à physionomie presque humaines souriant avec des rictus de vieilles ivrognesses qui guignent un litre  ; de monstres innommables, ne dépendant d’aucune