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l’oblat

à part ; il n’était plus admis sur la lisière de la communauté et en marge du cloître, mais bien au dedans, vivant avec les pères, causant et travaillant avec eux. Les devoirs de l’hospitalité, si expressément recommandés par le Patriarche, étaient vraiment exécutés à la lettre par les moines noirs.

Ce caractère paternel lui souriait, dès qu’il était de retour à Chartres ; avec le temps, la vision de Solesmes se décantait, s’idéalisait à mesure qu’elle devenait plus lointaine.

Il n’y a que Solesmes ! se criait-il ; la seule vie monastique possible pour moi est là !

Et cependant, il devait se rappeler que, chaque fois qu’il avait quitté l’abbaye et qu’il s’était assis dans la voiture qui le menait à la gare de Sablé, il avait respiré, tel qu’un homme qu’on allège d’un insupportable poids, et qu’aussitôt installé dans le train, il se disait : mon Dieu quelle veine ! Me voici libre ! — et, sans cesse, pourtant, il regrettait cette gêne d’être chez les autres, cette délivrance d’heures tracées, sans amusements inopinés, sans tintouins prévus.

Il parvenait difficilement à analyser ces jeux d’impressions, ces volte-faces de sentiments. Oui, certes, s’affirmait-il, Solesmes est en France unique ; l’art religieux y resplendit comme nulle part ; le chant y est mûr à point, les offices s’y célèbrent avec une imperfectible pompe ; nulle part aussi, je n’approcherai d’un Abbé de l’envergure de Dom Delatte et de paléographes musicaux plus ingénieux et plus savants que Dom Mocquereau et que Dom Cagin, j’ajouterai encore de moines plus serviables et plus avenants ; oui, mais…