Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/218

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Vous devez faire Jésus en vous ; comment le ferez-vous si vous ne passez pas les soufflets et les crachats du prétoire ?

— D’accord, mais êtes-vous bien assuré que si la bataille éclatait entre le presbytère et le cloître, vos moines ne préféreraient pas faire, comme vous dites, Jésus en le curé plutôt que d’accepter qu’il le fasse en eux ; ce serait, il est vrai, très charitable, car on ne l’assommerait que pour son bien…

— Quel mauvais garçon vous êtes, ce matin ! Dit en riant le père de Fonneuve ; mais nous voici arrivés à Dijon ; je vais chez mes filles du Carmel, vous ne m’accompagnez pas ?

— Non, père, j’ai des achats à effectuer dans la ville. Ils descendirent ensemble jusqu’à la place saint Bénigne ; arrivé là, le vieil historien fut incapable de se séparer de Durtal sans lui avoir préalablement rappelé les fastes monastiques de l’ancienne abbaye dont il ne subsistait plus que le sanctuaire, ressemelé sur toutes les coutures, rétamé de toutes pièces.

— Voici une des plus monumentales gloires de l’ordre Bénédictin, fit-il, en prenant d’un geste qui lui était familier le bras de Durtal et l’attirant à lui pour lui parler, épaule contre épaule ; c’était dans ce monastère de saint Bénigne que les ducs de Bourgogne, qui y venaient pour entrer en possession de leur duché, juraient sur les évangiles, au pied de l’autel, devant la châsse du saint, de ne pas toucher aux privilèges de leurs sujets ; et l’abbé leur ceignait, après le serment, le doigt d’un anneau, pour symboliser le mariage avec leurs villes.

Ce cloître qui fut florissant, au dixième siècle, lorsque le