Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/230

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précision et d’une probité d’art qui stupéfiaient, lorsque l’on songeait à la peinture hâtive et galopée de notre temps. Les expressions simples et concentrées de ces orantes recueillies, absorbées, loin des visiteurs, devant la croix, dégageaient une saveur religieuse réelle. Les traits étaient encharbonnés, comme creusés au burin ; et, dans cette œuvre forte et sobre, qui paraissait exécutée par un peintre graveur de l’école d’Albert Dürer, la femme en blanc évoquait, elle, le souvenir de Manet, mais d’un Manet mieux pondéré, plus savant, plus ferme.

C’était, à coup sûr, la plus belle toile de Legros que Durtal eût encore vue. Que faisait-elle, là, noyée dans ce déballage de loques et ces rebuts, alors qu’elle eût si victorieusement figuré dans le salon de l’école française, au Louvre ? Elle était marquée, dans le catalogue, sous le titre de don de l’artiste à sa ville natale. Ah ! Bien, ce que ladite ville semblait plus fière de son Devosge, dont le nom se prélassait à un coin de rue, que de l’auteur de ce présent relégué dans le pêle-mêle de ces pannes.

Ces salles de l’école moderne française mises à part, le musée de Dijon était, en tant que musée de province, abondamment pourvu. Il détenait des collections de bibelots, de faïences, d’ivoires, d’émaux, d’estampes, de bois, vraiment honorables. M. His de la Salle l’avait en outre doté de dessins de maîtres, curieux ; mais, là, où il devenait princier, l’égal des grands musées, c’était dans l’ancienne salle des gardes qui contenait les mausolées en marbre de Dinan et en albâtre de Tonnerre, des ducs Philippe le Hardi et Jean sans Peur. Ces tombeaux, brisés pendant la révolution, avaient été expertement