Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/339

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La physionomie était moins douloureuse que réfléchie ; c’était celle d’un des religieux de la chartreuse de Champmol qui avait sans doute servi de modèle, en tout cas, celle d’un prêtre en train de faire sa méditation ; elle était prise sur le vif et avait dû être d’une ressemblance à crier ; mais quel rapport ce prêtre tranquille avait-il avec Jérémie dont l’existence d’épreuves et de larmes fut considérée autant qu’une vivante prophétie des souffrances du Christ ?

Et l’on pouvait en demander autant pour Zacharie, couvert d’un étrange chaperon où il y avait du chapiteau d’église et de la tourte ; lui, baissait vaguement affligé, une tête paysanne de vigneron, aux moustaches, seules rasées, dans un flot de barbe. Sûrement, l’on avait aperçu ce vieillard derrière un comptoir ou dans un chais préparant les envois de ses queues et de ses tonnes aux débitants des villes ; cette face terrienne et marchande était un peu exhaussée par les tribulations et anoblie par les peines ; mais elle exhalait quand même l’odeur de sa caque. Étaient-ce bien ces paroles qu’il affichait sur sa feuille dépliée de parchemin : « Ils ont apprécié ma rançon à trente deniers », qui le navraient de la sorte ? Il avait plutôt l’air de déplorer la perte d’une vendange que la mort du Verbe.

Autre était son voisin, Daniel, désignant violemment du doigt le phylactère sur lequel était écrit : « Après soixante générations, le Christ sera occis. » Celui-là discutait, rageur, contre les incrédules. Dans cette réunion taciturne, lui seul, parlait ; et il n’était nullement marri mais rebiffé. Il était un Bourguignon qui avait la tête près du bonnet et qu’il ne fallait point contredire. Coiffé