Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/450

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— Sans doute ; n’empêche que si j’étais vraiment humble, je n’aurais pas désiré m’élever au rang de profès !

— Avec ce système-là, il n’y aurait plus d’offices ! Certes, si quelqu’un est enthousiaste des trappes, c’est moi qui ai connu dans l’une d’elles, à Notre-Dame de l’âtre, une sainteté que je retrouve difficilement autre part ; mais enfin la filiation de Cîteaux a une mission spéciale différente de la vôtre. Il y a place pour tous dans l’église ; les ordres se complètent ; prenons-les donc pour ce qu’ils sont et défions-nous, petit frère, n’ayons pas trop l’ambition de l’humilité car elle ne serait peut-être pas si éloignée qu’elle en a l’air, de l’orgueil !

Un autre jour, en ficelant ensemble des liasses de brochures, Durtal lui parlait de ce novice rationaliste, que l’on avait fini par caser dans un séminaire en quête de sujets, et le petit expliquait très lucidement l’état d’âme de ce malheureux.

— Le frère Sourche, disait-il, a le cœur vrai et l’esprit faux ; il lisait… il lisait… et il ne digérait rien ; c’était dans sa pauvre tête, une salade, un pêle-mêle de scrupules et de doutes ; alors, il étouffait, se ruait dans les couloirs, les poings au corps et le front en avant, ainsi qu’un bœuf, ou bien il s’enfermait pour sangloter dans les lieux ; c’était une pitié, mais on ne pouvait le garder car l’agitation pleuvait autour de lui. Il aimait bien le bon Dieu mais, de peur de perdre complètement la foi, il s’était fabriqué une religion presque protestante, sans s’apercevoir qu’en lésinant sur le surnaturel, il s’exposait à ne plus croire à rien du tout.

Pauvre frère Sourche, si la cervelle était folle, ce que le