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LES FOULES DE LOURDES

d’un as de trèfle, avec cinq autels disposés dans la circonférence de chacune de ses feuilles ? On voudrait savoir de quel style cela procède, car il y a de tout là-dedans, du byzantin et du roman, du style d’hippodrome et de casino ; mais il y a surtout, à bien regarder de près, du dépôt de machines, de la rotonde de locomotives ; il ne manque que les rails et la plaque tournante au milieu, à la place du grand autel, pour permettre aux machines de sortir des coulisses et d’évoluer sur les voies de l’esplanade, en sifflant au disque.

Et cette rotonde qui devrait être enfumée par la vapeur des charbons, encrassée par la poix des suies, elle est d’un blanc de plâtre neuf ; on a commencé par la parer comme une salle de théâtre, mais le décor est inachevé ; partout cependant des ornements de faux or, des torchères électriques, lourdes et tortillées, d’une insolence de luxe atroce ; des colonnes qui ne sont que des pans de murs nains et carrés, revêtus à mi-corps de plaques de marbre, couleur de rillettes et dont les inscriptions des ex-voto, creusées en lettres d’or, se voient heureusement, à peine ; en fait de chapiteaux, au-dessus de ces piliers trapus, les versets des litanies courent, sculptés dans des feuillages, et, montant, pour atteindre, en s’incurvant, un dôme badigeonné au lait de chaux, troué d’œillères garnies de Dieu sait quelles vitres ! des colonnettes s’effilent