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LES FOULES DE LOURDES

marbre blanc qui flanquent, de chaque côté, l’autel, somptueux mais d’un goût, par extraordinaire, quasi probe, et il adresse ses souhaits de bienvenue aux pèlerins. Il parle simplement, d’une voix calme, détache ses mots qu’écoute attentivement un prêtre espagnol, huché dans l’autre chaire.

Et lorsque l’évêque a terminé son discours, ce prêtre le traduit aux assistants. Il le traduit ? je ne sais. Tout d’abord je me demande, stupéfié, ce qui le prend celui-là ! car il bouleverse son masque olivâtre, peint avec un rasoir sur les joues en bleu, se frappe la poitrine, cogne à coups de poing le rebord de la chaire, jette les bras au ciel, hurle tel qu’un énergumène. Quelle singulière transposition d’un entretien placide et d’un compliment aimable en une tumultueuse harangue, en un boniment de drame !

Il s’arrête enfin, inondé de sueur, prononce quelques mots sur un ton raisonnable et aussitôt toutes les maugrabines se lèvent et poussent, par trois fois, un vivat rauque et strident ; elles se soulagent avidement ainsi de cette compression de silence qu’elles ont subie depuis qu’elles sont assises et, dès la fin du dernier Évangile, leur exubérance déborde, en mêlant leurs voix à celles de la maîtrise, en chantant la marche de Saint-Ignace, une marche mâle et rythmée qui, passée par ces timbres rugueux et suraigus, s’affirme d’une pompe barbare