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LES FOULES DE LOURDES

À Lourdes, je suis dans une réception publique, dans une cérémonie officielle où les invités défilent par fournées devant la Reine et s’inclinent ; à Chartres, l’on est seul avec Elle, dans une chambre close et, ici, ce sont de banales audiences, en plein vent.

À Paris même, à Notre-Dame des Victoires, à Saint-Séverin, chez la Vierge noire des Dames de Saint-Thomas de Villeneuve, l’on est plus chez soi et l’on est plus chez Elle ; il y a au moins un peu d’obscurité et du silence ; évidemment, ces sensations d’intimité plus ou moins vives dépendent des tempéraments et des genres de piété qui en dérivent, mais, il faut dire, qu’ayant prévu ces différences, la Madone se met, avec la diversité de ses effigies et de ses demeures, à la portée de tous ; elle accueille les solitaires à tel endroit et les foules à tels autres ; chacun peut, en somme, la trouver, selon ses besoins et selon ses goûts.

Très certainement, cette Vierge glorieuse, toute moderne, qui s’est définie elle-même, par une abstraction, n’est pas Celle que je préfère. J’espère bien qu’Elle me le pardonne, car Elle sait que je l’aime autre part et sous d’autres formes ; et encore est-ce façon de parler, car comment échapper à l’emprise de Celle dont la dilection ne s’est jamais affirmée aussi véhémente qu’en cette ville, pour les membres souffrants de son Fils ?