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HISTOIRE DES BERBÈRES.

Fortifié par l’appui de tant de partisans, Séada parvint à faire respecter les prescriptions de la sonna[1], à réprimer les abus de toute nature et à châtier les brigandages des nomades qui infestaient les grandes routes. Encouragé par ces premiers succès, il porta ses vues plus haut, et s’étant adressé à Mansour-Ibn-Fadl-Ibn-Mozni, gouverneur du Zab, il l’invita à supprimer les impôts contraires à la loi, et à faire cesser les injustices dont on accablait les cultivateurs. A cette demande Mansour répondit par un refus ; il prit même la résolution d’en punir l’auteur ; mais aussitôt, les partisans de Séada vinrent au secours de leur maître et prêtèrent entre ses mains le serment solennel de faire respecter la sonna, et de le protéger lui-même, dussent-ils y perdre la vie.

Ibn-Mozni leur ayant déclaré la guerre, appela à son secours les tribus sœurs et rivales de celles qu’il allait combattre. A cette époque, les Aulad-Mohammed reconnaissaient l’autorité d’Ali-Ibn-Ahmed-Ibn-Omar-Ibn-Mohammed, et les Aulad-Yahya obéissaient à Soleiman-Ibn-Ali-Ibn-Sebâ. Ces deux chefs, qui se partageaient ainsi le commandement des Douaouida, s’empressèrent d’assister Ibn-Mozni contre Séada et contre les gens de leurs tribus respectives qui avaient cru servir la religion en embrassant le parti du réformateur.

Comme gouverneur du Zab, Ibn-Mozni tenait son autorité de l’émir Khaled-Ibn-Abi-Zékérïa, prince hafside qui régnait à Bougie. Il s’adressa, en conséquence, à Abou-Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr, ministre de ce souverain, et en ayant obtenu des

  1. Les actes et paroles (hadîth) de Mahomet avaient été recueillis par ses immédiats disciples et transmis par eux aux autres musulmans. Ces paroles, décisions et pratiques se rapportent au dogme, au rituel et au droit islamique ; elles portent le nom de sonna (voie à suivre), et ont chez les musulmans orthodoxes, le même poids, la même autorité que le texte du Coran. Transmises d’abord par la tradition orale, elle furent ensuite mises en écrit. Il y a six recueils authentiques de ces traditions, faits par El-Bokhari, Moslem, Et-Termidi, Abou-Dawoud, En-Neçaï et Ibn-Madja. La sonna est pour les Musulmans ce que le Michna est pour les Juifs, le complément de leur loi révélée. Les Chiites ou partisans d’Ali rejettent ces recueils parce que la plupart des traditions qu’ils renferment avaient été rapportées par des hommes qui avaient repoussé les prétentions d’Ali au khalifat.