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HISTOIRE DES BERBÈRES.

il s’adressa aux autres branches de la tribu de Soleim. S’étant ainsi assuré leur protection, il rassembla autour de lui une foule de bédouins et leur persuada d’adopter ses pratiques religieuses et de former une communauté de marabouts. Les membres de cette société reçurent le nom de Djennada[1].

Ayant alors commencé sa carrière de réformateur, il ordonna la cessation des brigandages qui désolaient les environs de Cairouan et les régions situées entre cette ville et la mer ; il se mit à poursuivre tous ceux qui osaient commettre des crimes sur les grandes routes ; partout où il les rencontra il les mit à mort : il fit la guerre à leurs chefs, envahit leurs camps, confisqua leurs biens, tua une partie des malfaiteurs et en dissipa le reste. Parvenu à se faire respecter par les Hisn, il rétablit la surété des routes dans toute la partie de l’Ifrîkïa qui s’étend depuis Cairouan et Tunis jusqu’au Djerîd. La haute renommée qu’il s’acquit par le succès de ses efforts excita la jalousie de sa propre tribu, les Beni-Mohelhel-Ibn-Cacem, qui lui vouèrent une haine mortelle et résolurent sa perte. Pour accomplir leur projet ils envoyèrent un exposé peu exact de sa conduite à l’émir Abou-Hafs, sultan de Tunis, lui représentant que les entreprises de cet homme portaient atteinte non-seulement aux droits de la communauté musulmane, mais aussi à ceux de l’état. Comme ce prince leur laissa entrevoir l’intention de fermer les yeux sur leur conduite dans cette affaire et de ne s’y méler en aucune façon, ils se retirèrent avec la ferme intention de tuer le réformateur. L’ayant donc invité à une conférence, afin de régler leurs intérêts respectifs à la manière arabe, ils s’entretinrent avec lui pendant quelque temps au centre du camp et le menèrent ensuite à part sous prétexte de lui parler en secret. Mohammed-Ibn-Mohelhel, surnommé Bou-Adebetein[2] profita de ce moment pour lui porter

  1. Dans les meilleurs manuscrits ce mot est écrit avec un n redoublé par le techdîd. Les moyens nous manquent d’en fixer la véritable signification, mais il paraît être l’équivalent de djond (défenseurs, milices).
  2. C’est-à-dire l’homme aux deux adeba. L’adeba d’un turban est le bout du chal qu’on laisse pendre sur l’épaule.