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HISTOIRE DES BERBÈRES.

et s’étant mis en relation avec Ammar-el-Ama, sofrite-nekkarien, il embrassa, à son grand malheur, les principes enseignés par ce vieillard. Quoi qu’il en soit[1], il est impossible de méconnaître la haute renommé que cet individu avait acquise parmi les Berbères.

Un autre de leurs hommes célèbre était Monder-Ibn-Saîd, grand-cadi de Cordoue et membre de la tribu de Soumata, l’une des fractions nomades de la tribu d’Oulhaça. Il naquit l’an 310 (922-3) et mourut en 383 (993-4), sous le règne d’Abd-er-Rahman-en-Nacer. Il faisait partie des Botr, descendants de Madghis.

    dont leur prophète avait fait partie. Les Kharedjites osèrent rejeter ce principe et prirent les armes pour soutenir leur opinion. Dans la trente-huitième année de l’hégire, la plupart de ces insurgés furent exterminés à Nehrouan par les troupes d’Ali, et le reste se dispersa dans les provinces de l’empire musulman et commença à y propager les doctrines pour lesquelles il avait souffert. En Arabie, en Perse, en Mésopotamie et en Afrique ces missionnaires travaillèrent avec ardeur à renverser le khalifat, qui, à leurs yeux, n’était qu’une usurpation. Dans ce dernier pays le succès de leurs efforts fut immense : la plupart des Berbères musulmans accueillirent la doctrine kharedjite. Indignés de voir un peuple étranger s’établir chez eux en maîtres, ils embrassèrent avec empressement une religion qui leur permettait l’insurrection et leur enseignait qu’en leur qualité de vrais croyants, ils avaient le droit de traiter leurs adversaires politiques comme des infidèles, ennemis de la foi. Le récit des guerres et massacres qui résultèrent de l’application de ce principe, remplissent plusieurs pages de l’histoire de la Mauritanie. Bien que ces fanatiques fussent d’accord sur les grands dogmes de l’islamisme, ils se partagèrent en plusieurs sectes dont les nuances distinctives nous sont moins connues que leur haine de l’étranger. Eibadites, disciples d’Abd-Allah-Ibn-Eibad, Sofrides, sectateurs de Ziad-ibn-Asfer, Sofrites-nekkariens (on recusants), Ouacelïa, tous travaillèrent à l’envi dans la grande tâche de renverser l’autorité des khalifes et rétablir l’indépendance de la nation berbère. Cette vaste insurrection s’éteignit vers l’époque où les Aghlebides prirent en main le gouvernement de l’Afrique. La doctrine kharedjite s’y conserva toutefois encore dans quelques tribus, et de nos jours même, on croit en reconnaître des partisans dans les Mozabites et les habitants de l’île de Djerba.

  1. Dans le texte arabe on a imprimé par erreur le mot [texte arabe] avec un alif, à la place d’un aïn.