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APPENDICE.

bourgades du Fezzan, et les emporta l’une après l’autre. Parvenu à la dernière de ces places fortes, il s’enquit des habitants s’il existait un autre peuple au-delà d’eux. Ils lui indiquèrent le peuple de Haouar, grande forteresse située sur la lisière du Désert, au sommet d’une montagne escarpée, et capitale du pays de Kouar. Après une marche de quinze nuits, il arriva sous les murailles de cette place, dont il entreprit le siége. Au bout d’un mois il renonça à son entreprise, et se dirigeant vers les autres châteaux de Kouar, il les emporta successivement. Arrivé au dernier, il y trouva le roi et lui fit couper un doigt. « Pourquoi me traiter ainsi ? s’écria le prisonnier. » — « C’est pour te donner une leçon ; toutes les fois que tu jetteras les yeux sur ta main, tu ne seras pas tenté de faire la guerre aux Arabes. » Il leur imposa alors une contribution de trois cent soixante esclaves, et leur demanda s’il se trouvait quelque peuple au-delà de leur pays. Ils répondirent qu’il n’y avait chez eux ni guides pour les y conduire ni aucune indication pour les y diriger. Il prit alors le parti de rebrousser chemin, et, sans s’arrêter à la forteresse de Haouar, il continua sa route pendant trois jours. Les habitants, persuadés qu’ils n’avaient plus rien à craindre, ouvrirent les portes de leur ville. Ocba étant venu camper à l’endroit qui s’appelle aujourd’hui Ma-el-Férès (l’eau du cheval), ne put y trouver de l’eau, et ses troupes, accablées par la soif, s’attendaient à la mort. Dans cette extrêmité, il fit une prière de deux rekas[1] et invoqua le secours de Dieu. Pendant ce temps, son cheval avait creusé un trou avec les pieds de devant et mis à découvert une roche, d’où il sortit de l’eau. Ocba, voyant l’animal qui suçait ce filet d’eau, cria à ses soldats de creuser la terre ; on obéit, et soixante-dix excavations leur fournirent de quoi étancher leur soif et faire provision pour leur route. C’est pour cette raison qu’on nomma ce lieu Ma-el-Férès. De là, Ocba revint sur ses pas par une autre route que celle qu’il avait suivie d’abord, et, arrivant à l’improviste devant la forteresse de Haouar, il profita

  1. Le reka se compose d’un certain nombre d’invocations et de prosternements, et la prière se compose de plusieurs reka.