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EN-NOWEIRI.

la mer d’Espagne, et ayant appris qu’elle était bien gardée, il lui dit : « Indique-moi où je pourrai trouver les chefs des Roum et des Berbères. » — « Quant aux Roum, répondit Yulîan, tu les a laissés derrière toi, mais devant toi sont les Berbères et leur cavalerie ; Dieu seul en sait le nombre. » — «  se tiennent-ils ? » demanda Ocba. — « Dans le Sous-el-Adna, répondit Yulîan ; c’est un peuple sans religion ; ils mangent des cadavres, ils boivent le sang de leurs bestiaux, et ils vivent comme des brutes ; car ils ne croient pas en Dieu, et ils ne le connaissent même pas. » Sur cela, Ocba dit à ses compagnons : « Marchons avec la bénédiction de Dieu ! » De Tanger il se dirigea du côté du midi, vers le Sous-el-Adna, jusqu’à ce qu’il atteignît une ville nommée Téroudant. Là, il rencontra les premières troupes Berbères et les mit en déroute après un combat sanglant. Sa cavalerie se mit à la poursuite des fuyards et pénétra dans le Sous-el-Adna. Les Berbères se réunirent alors en nombre si grand que Dieu seul pouvait les compter ; mais Ocba les attaqua avec un acharnement inouï. Il en fit un massacre prodigieux et s’empara de quelques-unes de leurs femmes, qui étaient [d’une beauté] sans égale. On rapporte qu’une seule de leurs jeunes filles fut vendue, en Orient, pour mille mithcals (pièces d’or). Ayant continué sa marche, il vint jusqu’à la Mer-Environnante [l’Océan Atlantique], sans avoir éprouvé de résistance, et il entra dans la mer jusqu’à ce que l’eau atteignît le poitrail de son cheval. Levant alors les mains vers le ciel, il s’écria : « Seigneur ! si cette mer ne m’en empêchait, j’irais dans les contrées éloignées et dans le royaume de Dou-’l-Carnein[1], en combattant pour ta religion, et en tuant ceux qui ne croient pas à ton existence ou qui adorent d’autres dieux que toi. » S’adressant ensuite à ses compagnons, il leur dit : « Retournons sur nos pas avec la bénédiction de Dieu. » La terreur des infidèles était devenue si grande qu’ils fuyaient le pays que l’armée traversait, et l’expédition se dirigea

  1. Le roi Dou-’l-Carnein s’avança vers l’Occident jusqu’au lieu du coucher du soleil, et vit cet astre descendre dans un puits rempli de boue noire. Cette histoire authentique est racontée dans le Coran, sourate 18.