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LI
INTRODUCTION.

gens pieux ; il y avait même commencé à enseigner, quand Abou-Hammou, ayant jugé nécessaire de s’attacher les Douaouida, lui ordonna de se rendre auprès d’eux en qualité d’envoyé. « Comme j’avais renoncé aux affaires, dit-il dans ses mémoires, pour vivre dans la retraite, j’eus la plus grande répugnance à me charger de cette mission ; cependant, je fis semblant de l’accepter. M’étant mis en route, je me rendis à El-Bat’ha, et de là je tournai à droite pour gagner Mindas. Arrivé au midi du Mont-Guezoul, je rencontrai les Aulad-Arîf, tribu arabe dont j’étais bien connu, et je trouvai chez eux un accueil si hospitalier que je me décidai à y rester. Ils envoyèrent à Tlemcen chercher ma famille, et ils se chargèrent de faire reconnaître au sultan l’impossibilité de la mission dont il m’avait chargé. » Notre auteur s’établit alors dans la Calâ-t-Ibn-Selama, château qu’un chef arabe, nommé Abou-Bekr-Ibn-Arîf, avait fait construire quelques années auparavant. Cet édifice se voit encore à Taoughzout, dans le voisinage de Frenda. « J’y demeurai, dit-il, quatre ans, tout-à-fait libre du tracas des affaires, et j’y commençai la composition de mon grand ouvrage historique. Ce fut dans cette retraite que j’achevai mes Prolégomènes, traité dont le plan était entièrement original, et pour l’exécution duquel j’avais pris la crême d’une immense masse de documents. » — « Pendant le long séjour que je fis au milieu des Aulad-Arîf, j’oubliai les cours du Maghreb et de Tlemcen pour m’occuper uniquement de cet ouvrage. Quand j’eus terminé les Prolégomènes, je désirai consulter certains traités et recueils de poésie qui ne se trouvent que dans les villes. Mon but était de retoucher et corriger mon travail, que j’avais presqu’entièrement dicté de mémoire ; mais vers ce temps je fis une maladie tellement grave, que, sans la faveur spéciale de Dieu, j’y aurais succombé. »

En l’an 780 (oct.-nov. 1378), Ibn-Khaldoun partit pour sa ville natale, accompagné de plusieurs voyageurs, et il traversa le Désert jusqu’à la frontière occidentale du Zab. Arrivé près d’Ed-Doucen, il rencontra quelques cavaliers arabes qui le conduisirent au camp de l’émir Ibrahîm, fils d’Abou-’l-Abbas, sultan de Tunis.