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LX
INTRODUCTION.

Enfin, il haussa la voix et parla ainsi : « Seigneur et émir, je rends grâce à Dieu tout-puissant ! J’ai eu l’honneur d’être présenté aux rois de plusieurs peuples dont j’ai immortalisé les exploits dans mes ouvrages historiques ; j’ai vu tel et tel prince d’entre les Arabes, j’ai été à la cour de tel et tel sultan, j’ai visité les pays de l’Orient et de l’Occident, je me suis entretenu avec chaque émir et officier qui y gouvernait, et, grâce à Dieu ! je viens de vivre assez longtemps pour voir celui qui est le véritable roi, le seul qui sache gouverner. Si les mets qu’on sert chez d’autres princes ont la propriété de garantir [de leur colère] celui qui en mange, les mets que tu fais servir ont, de plus, celle d’ennoblir le convive et de le rendre fier. » Timour fut charmé de ces paroles, et, se tournant vers l’orateur, il négligea toutes les autres personnes pour s’entretenir avec lui. Il lui demanda les noms des rois de l’Occident, leur histoire et celle de leurs dynasties, et il entendit avec le plus vif plaisir le récit que lui en fit Ibn-Khaldoun.[1] »

« Ouéli-ed-dîn-Abd-er-Rahman-Ibn-Khaldoun le malékite, grand cadi d’Egypte et auteur d’un ouvrage historique, dressé sur un plan entièrement original, était (à ce que j’ai entendu dire par une personne qui l’avait vu et s’était entretenue avec lui) un homme d’une grande habileté dans les affaires, et un littérateur de premier ordre. Quant à moi, je n’ai jamais eu l’occasion de le voir. Il vint en Syrie avec les troupes de l’islamisme [l’armée égyptienne], et, lors de leur retraite, il tomba entre les mains de Timour. Dans un de leurs entretiens, l’affabilité de Timour l’ayant mis à son aise, il lui tint ce discours : « Seigneur et émir ! je te prie en grâce, qu’il me soit permis de baiser cette main qui doit subjuguer le monde ! » Une autre fois, ayant récité à ce prince une portion de l’histoire des rois de l’Occident, celui-ci, qui prenait un grand plaisir à lire et à entendre lire des ouvrages historiques, en témoigna une vive satisfaction et exprima le désir de l’emmener avec lui. A cette invitation Ibn-Khaldoun fit la

  1. Dans cet endroit et dans le paragraphe suivant, le traducteur s’est attaché à rendre les idées plutôt que les paroles d’Ibn-Arabchah.