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PROLÉGOMÈNES


lence ! (Louanges) à l’Être tout-puissant auquel rien ne résiste, rien ne se dérobe ni dans les cieux, ni sur la terre ! De cette terre il nous a formés individuellement, et il nous l’a fait habiter en corps de peuples et de nations ; de cette terre il nous a permis de tirer facilement notre subsistance et nos portions de chaque jour. Renfermés d’abord dans le sein de nos mères, puis dans des maisons, nous devons à sa bonté la nourriture et l’entretien. De jour en jour le temps use P. 2. notre vie ; puis survient à l’improviste le terme de notre existence, tel qu’il a été inscrit dans le livre du destin. La durée et la stabilité n’appartiennent qu’à l’Eternel.

Salut et bénédiction sur notre seigneur Mohammed, le prophète arabe, dont le nom est écrit dans le Pentateuque et indiqué dans l’Evangile[1]! Salut à celui pour l’enfantement duquel l’univers était en travail[2] avant que commençât la succession des samedis et des dimanches, avant l’existence de l’espace qui sépare Zohel de Béhémout[3]! Salut à celui dont la véracité a été attestée par l’araignée
  1. Voici les versets de la Bible par lesquels, selon les musulmans, est prédite la venue de Mohammed : « Et ait (Moyses) : Dominus de Sinaï venit, et de Seir ortus est nobis : apparuit de monte Pharan.» (Deut. xxxiii, 2.) Seir, la chaîne de montagnes qui s’étend de la mer Morte à la mer Rouge, est, disent-ils, la montagne où Jésus reçut du ciel le saint Evangile ; Pharan, c’est la Mecque avec les montagnes des alentours. Ou pourrait répondre que Pharan est le désert qui s’étend depuis le mont Sinaï jusqu’à la limite méridionale de la Palestine, celle où les Israélites passèrent trente-huit ans. Le second verset est celui-ci : « Ex Sion species decoris ejus.» (Ps. xlix, 2.) Selon la version syriaque, le texte hébreu signifie : « Ex Sion coronam ogloriosam Deus ostendet. » Or, disent-ils, la couronne, c’est le royaume de l’islamisme, et gloriosus est l’équivalent de Mohammed (laudatus). Nous lisons dans l’Évangile de saint Jean (xvi, 7) : « Si enim non abiero, Paraclelus non veniet ad a vos.» Les musulmans prétendent que les chrétiens ont altéré le texte de leurs livres sacrés et que, voulant en faire disparaître tout ce qui annonçait la mission de Mohammed, ils ont substitué le mot παράκλητος à περικλυτός (inclytus, celebris), mot qui est l’équivalent d’Ahmed (laude dignior) ; or le Coran, sourate lxi, verset 6, donne le nom d’Ahmed à Mohammed.
  2. Croyance fondée sur ces deux paroles de Mohammed : كنت نبيا وادم بين الروح رالسد نين اللء رالطين, « Adam était encore entre le corps et l’esprit, entre l’eau et l’argile, que j’étais déjà prophète ; » ارل ما خاق ازاسه نورى, « la première chose que Dieu créa, ce fut ma lumière.»
  3. C’est-à-dire, entre la partie supérieure du monde, le septième ciel, celui de la planète Saturne (Zohel) et la partie inférieure. Le terme béhémout est emprunté à la langue hébraïque où il signifie animal, bête. En arabe il est employé pour désigner le poisson monstrueux qui porte sur son dos les sept terres. Dans la cosmographie musulmane, il y a sept cieux, placés l’un au-dessus de l’autre (voyez Coran, sour. lxv vers. 12), et sept terres dont six sont placées successivement au-dessous de la nôtre. Dieu chargea un ange de supporter le poids de ces terres ; l’ange se tient debout sur le dos d’un taureau, ثور : le taureau est porté par un pois-