Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/153

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à celles qu’on offrait au khalife, leur maître. Ils prodiguaient des dons et des bienfaits à ceux qui invoquaient leur générosité, et dans toutes les provinces de l’empire , comme dans le voisinage des grandes villes, ils s’étaient approprié des villages et des fermes.

Tout cela réuni mécontenta les courtisans, irrita les personnes qui approchaient du prince et offensa les grands dignitaires de l’Etat; l’envie et la jalousie levèrent le masque, et les scorpions de la calomnie vinrent blesser les Barmékides jusque dans le lit de repos qu’ils avaient dressé sous l’abri du trône impérial. Parmi les délateurs les plus acharnés contre eux, on comptait les enfants de Cahtaba, oncles maternels de Djâfer^; la haine qui remplissait leurs cœurs était si violente, que les liens du sang ne pouvaient pas les fléchir, et les nœuds ^ de la parenté n’avaient pas assez de force pour les retenir. A tout cela se joignaient encore, dans l’esprit de leur souverain, les suggestions de la jalousie, le mécontentement qu’il éprouvait à se voir ainsi en tutelle et son amour-propre blessé ; à quoi il faut ajouter la haine cachée qu’ils lui avaient inspirée d’abord par des traits de présomption assez légers, mais qui, par la persévérance de ces hommes à tenir la même conduite, devinrent à la fin des actes de la plus grave désobéissance. On en a un exemple dans ce qui se passa relativement à Yahya, frère de Mohammed el-Mehdi, surnommé En-Nefs ez-Zekiya (l’Ame pure), prince alide qui avait pris les armes contre El-Mansour. Il était fils d’Abd-AlIah, fils d’El-Hacen, fils d’El-Hacen’, fils d’Ali, fils d’Abou-Taleb. Suivant le rapport de Taberi, Yahya se laissa décider par El-Fadl, fils de Yahya (le Barmékide), à abdiquer son pouvoir usurpé et à quitter le Deïlem, moyennant une lettre de sauvegarde, écrite de la main même d’Er-Rechid, P. 22. et un million de pièces d’argent. Er-Rechîd remit le prisonnier à Djâfer, pour le tenir aux arrêts dans son palais et sous sa surveillance.

1 Le nom de Cahtaba, fils de Chebîb , est célèbre dans l’histoire des guerres qui mirent la maison d’Abbas en possession du khalifat.

2 Pour $$$$, lisez $$$$.

3 Le texte imprimé porte $$$$ ; mais $$$$ est la bonne leçon. (Voy. la Chrestomathie arabe de M. de Sacy, t. 1, p. 35.)