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DIBN KHALDOUN. 183

était native d'Algésiras, et l'autre de Ronda. Depuis deux^ ans, elles avaient renoncera toute nourriture, et, le bruit s'en étant répandu, on voulut les mettre à l'épreuve. Le fait fut complètement vérifié, et elles continuèrent à jeûner ainsi jusqu'à leur mort. Parmi nos anciens condisciples, nous en avons vu plusieurs qui se contentaient, pour toute nourriture , de lait de chèvre ; à une certaine heure de chaque jour, ou à l'heure de déjeuner, ils tétaient le pis de l'animal. Pendant quinze ans, ils suivirent ce régime. Bien d'autres ont imité leur exemple; c'est un fait qu'on ne saurait révoquer en doute.

Il faut savoir que la faim est de toute manière plus favorable au corps qu'une surabondance d'aliments, pourvu qu'on puisse s'habi- tuer à l'abstinence et se contenter de très-peu de nourriture. Ainsi que nous l'avons dit, la faim exerce, sur l'esprit et le corps, une influence salutaire ; elle sert à éclaircir l'un et à entretenir la santé de l'autre. On peut en juger par l'effet que les aliments produisent sur le corps. Nous avons vu que , si des hommes adoptent pour nourri- P. i64. ture la chair de gros animaux , leurs descendants prennent les qua- lités de ces animaux. La chose est évidente si l'on compare les habi- tants des villes à ceux de la campagne. Les hommes qui se nourrissent de la chair et du lait de chameau éprouvent, dans leur caractère, l'influence de ces aliments et acquièrent la patience, la modération, la force nécessaire pour porter des fardeaux, qualités qui sont le par- tage de ces animaux; leurs Intestins se façonnent à l'instar de ceux des chameaux, et prennent de la santé et de la force. On ne re- marque en eux ni faiblesse, ni langueur, et les aliments qui nuisent aux autres hommes ne produisent sur eux aucun mauvais effet. Ils boivent, pour se relâcher le ventre, les sucs des plantes laiteuses et acres, telles que la coloquinte avant sa maturité, le diryas [Thapsia asclcpiam), et l'euphorbe, sans les déguiser, et sans que leurs in- testins en reçoivent le moindre mal. Et cependant, si les habitants des villes, gens qui, par suite de leur habitude de se nourrir délicate-

' En arabe , (jyiÀ-'. Quelque» manuscrils portent jjOu» « plusieurs années, n — ^ Pour Ua..w^ , lisez wCuu^^.

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