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PROLÉGOMÈNES

SECONDE SECTION.

De la civilisation chez les nomades et les peuples à demi sauvages et chez ceux qui se sont organisés en tribus. Phénomènes qui s’y présentent. — principes généraux. — Éclaircissements.




La vie nomade et la vie sédentaire sont des états également conformes à la nature.


Les différences qu’on remarque dans les usages et les institutions[1] des divers peuples dépendent de la manière dont chacun d’eux pourvoit à sa subsistance ; les hommes ne se sont réunis en société que pour s’aider à obtenir les moyens de vivre. Ils commencent par chercher le simple nécessaire ; ensuite ils tâchent de satisfaire à des besoins factices, puis ils aspirent à vivre dans l’abondance[2]. Les uns s’adonnent à l’agriculture ; ils plantent et ils sèment ; les autres s’occupent à élever certains animaux, tels que moutons, bœufs, chèvres, abeilles, vers à soie, etc. dans le but de les multiplier et d’en tirer profit. Les gens de ces deux classes sont obligés à habiter la campagne ; car les villes ne leur offrent pas des terres à ensemencer, des champs à cultiver, P. 221.des pâturages pour leurs troupeaux. Contraints par la nécessité des choses à habiter la campagne, ils s’y réunissent en société, afin de s’entr’aider et de se procurer les seules choses que leur façon de vivre et leur degré de civilisation rendent indispensables. Nourriture, abri suffisant, moyens de se tenir chaud : voilà ce qu’il leur faut, mais seulement assez pour soutenir leur existence ; ils sont d’abord incapables d’en obtenir davantage. Plus tard, lorsqu’ils se trouvent dans des circonstances meilleures et que leurs richesses les mettent au-dessus du besoin, ils commencent à jouir de la tranquillité et du bien-être. Combinant encore leurs efforts, ils travaillent pour obtenir plus que le simple nécessaire ; on les voit
  1. Littéral. « dans les états.»
  2. Les termes dont l’auteur se sert ici sont : ed-dorouri (l’indispensable), el-hadji (le nécessaire) et el-kemali (le parfait).