Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome II.djvu/281

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plupart des populations tiennent à leurs généalogies, parce que de tous les liens qui servent à unir vin peuple, ceux du sang sont les plus intimes et ont le plus de force. La même cause maintient chez eux un fort esprit de corps, et les peuples qui ressentent l’influence de ce sentiment préfèrent toujours la vie du désert à celle des villes, p. jSi où ils perdraient leur bravoure et seraient réduits au niveau de ces gens qui ont besoin de la protection d’aulrui. Le lecteur qui aura compris ces principes pourra facilement en tirer les conclusions.

Les édifices et les grandes constructions élevés par les musulmans sont loin d’être en rapport avec la grandeur de ce peuple, et restent bien au-dessous des bâtiments laissés par les nations précédentes.

La raison de ce fait est identiquement celle que nous avons donnée (dans le chapitre précédent) en parlant des Berbers. Chez les Arabes, comme chez eux, les habitudes de la vie nomade sont profondément enracinées ; comme eux, ils ont un grand éloignement pour les arts. D’ailleurs, dans les temps antérieurs à l’islamisme, ils entretenaient peu de relations avec les empires dont ils se rendirent maîtres plus tard. Après la conquête de ces pays, la civilisation ne prit pas parmi eux un grand développement jusqu’à ce qu’ils se fussent approprié tous les usages de la vie sédentaire, et, de plus, ils se contentèrent des édifices que les autres peuples avaient bâtis. A cela nous devons ajouter que, dans les premiers temps de l’islamisme, les Arabes évitèrent, par scrupule religieux, de donner à leurs maisons une grande élévation et de transgresser les bornes de la modération en y dépensant trop d’argent.

Cela eut pour cause la recommandation que (le khalife) Omar leur fit quand ils lui demandèrent l’autorisation de rebâtir en pierre la ville de Koufa, dont les maisons, construites par eux en roseaux, venaient d’être détruites par un incendie. Il leur répondit : « Faites; mais aucune maison ne doit avoir plus de trois chambres ni une trop grande élévation. Gardez fidèlement les pratiques suivies par le Prophète, et vous garderez toujours l’empire du monde. » Ayant reçu