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D'IBN KHALDOUN. 347

procurerait des richesses. Loin de là, ils ne consentent pas à y perdre un temps précieux, qu'ils croient mieux employer en s'occupant de travaux honorables qui exigent également la réflexion et le juge- ment. La noblesse de leurs occupations ne leur permet pas de se jeter à la tête des gens du grand monde; aussi sont-ils bien éloi- gnés de le faire, et, pour cette raison, ils acquièrent rarement des richesses.

J'avais eu une discussion à ce sujet avec un homme de grand mé- rite et qui n'était pas de mon avis, quand xm cahier d'écritures, tout froissé et usé, me tomba entre les mains. Ces feuilles renfermaient une partie des comptes tenus par les bureaux chargés de l'adminis- tration du palais d'El-Mamoun (le khalife abbacide) et contenaient l'indication d'une grande portion des recettes et des dépenses faites à cette époque. Ayant trouvé dans ce document la liste des traitements accordés aux cadis, aux imams et aux moueddins, je la fis voir à mon contradicteur, qui reconnut aussitôt la justesse de mes observations, et se rallia à mon opinion ^ Dès lors, nous restâmes émerveillés en voyant par quelles voles secrètes la sagesse de Dieu agit dans le gou- vernement de ses créatures. Dieu est le créateur, le dispensateur.

Les liotnmes de peu de considération et les campagnards besoigneuK sont les seuls qui adoptent l'agriculture comme un moyen de se procurer la subsistance.

Ils adoptent l'agriculture parce qu'elle est un art dont la pratique est la plus enracinée dans la nature humaine et dont les procédés sont les plus simples. Aussi voit-on rarement des citadins et des hommes riches s'en faire une occupation. Ceux qui l'exercent sont regardés même comme des êtres dégradés. Le Prophète a dit en voyant un soc de charrue chez un de ses partisans médlnois : " Ces choses-là n'entrent jamais dans une maison sans que l'avilissement y entre aussi. » El-Bokhari a entendu cette parole comme étant dirigée contre une trop grande application à l'agriculture, et, pour cette rai-

' Il est bien à regretter que l'auteur ait négligé de nous donner quelques extraits de ce précieux document.

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