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des marchandises sont rares et qu'il est difficile de se les procurer, elles augmentent de prix. Si le pays où le négociant se rend n'est pas très-éloigné, si les routes sont sûres et très-fréquentées, beaucoup de ses confrères y passeront; les marchandises y arriveront en aban- dance et se vendront à bas prix. Voilà pourquoi les commerçants qui P. 299. ont l'habitude de faire des voyages jusqu'au pays des noirs sont plus à leur aise et plus riches que les autres. La longueur et les périls de la route, la nécessité de traverser de vastes déserts remplis de dangers, où l'on s'expose à mourir de soif parce que l'eau y est très-rare et ne se trouve que dans certains endroits connus des individus qui servent de guides aux caravanes, tout cela effraye la plupart des négociants et les empêche d'entreprendre de tels voyages; aussi voyons-nous que les marchandises tirées du pays des noirs sont très-rares et très- chères, et il en est de même des nôtres chez ces peuples. Les indi- vidus qui font ce commerce gagnent, pour cette raison, beaucoup d'argent et amassent rapidement de grandes fortunes. Ceux de notre pays qui commercent avec l'Orient s'enrichissent aussi très-vite, ce qui tient à la longueur de la route qu'ils doivent faire. Quant à ceux qui se tiennent dans un même pays et vont alternativement d'une ville à une autre, ils ne peuvent faire que de faibles bénéfices, parce que les négociants s'y rendent en grand nombre et qu'on y trouve des marchandises en abondance. Dieu est le dispensateur, l'être doué d'une force inébranlable.

De l'accaparement.

Ceux d'entre les habitants des grandes villes qui ont de l'expé- rience et qui savent observer reconnaissent généralement que l'accapa- rement des grains, dans le but de les garder jusqu'à ce qu'ils devien- nent chers, est une opération qui porte malheur à celui qui la fait el qui lui donne comme profit une perte réelle et le désappointement. La cause en est, si je ne me trompe pas, que les autres hommes, étant forcés d'acheter à un taux énorme les vivres dont ils ont besoin, donnent leur argent à contre-cœur; leurs âmes demeurent attachées

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