Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/141

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sur mon compte. Je lui ai tout dit moi-même. C’est la première chose que j’ai faite, dès qu’il m’a laissé soupçonner ses intentions.

grégoire. — En ce cas, vous êtes d’une franchise qu’on ne rencontre pas souvent.

madame sœrby. — J’ai toujours été franche. C’est encore ce qui nous réussit le mieux, à nous autres femmes.

hialmar. — Qu’en dis-tu, Gina ?

gina. — Oh ! c’est si différent, les femmes : l’une s’y prend d’une façon, l’autre d’une autre.

madame sœrby. — Quand à ça, Gina, ce qu’il y a de plus sûr, c’est de faire comme j’ai fait. J’en suis bien certaine aujourd’hui. Werlé non plus ne m’a rien caché de ce qui le concerne. C’est encore cela qui nous a le plus solidement liés l’un à l’autre. À présent il peut passer son temps, assis près de moi, à causer de tout avec une franchise d’enfant. Cela lui a toujours manqué jusqu’ici. Un homme plein de force et de santé comme lui, réduit à passer toute sa jeunesse et les meilleures années de sa vie à écouter des remontrances ! Et souvent, à ce que je me suis laissé dire, ces remontrances se rapportaient à des méfaits imaginaires.

gina. — C’est bien vrai ce qu’elle dit là.

grégoire. — Si ces dames veulent aborder ce terrain, il vaut mieux que je m’en aille.

madame sœrby. — Oh non ! vous pouvez rester :