Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/162

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jours passé pour un astre aux yeux de son entourage.

grégoire. — Il n’en serait pas un ? Je parle de ce qu’il a au fond de l’âme.

relling. — Je ne l’ai jamais remarqué. Que son père l’ait cru, cela ne m’étonne pas. Le vieux lieutenant a toujours été une brute, sa vie durant.

grégoire. — Il a eu toute sa vie une âme d’enfant ; c’est ce qui vous échappe.

relling. — Bon, bon ! Mais après cela, quand le cher petit Hialmar a passé étudiant, comme on dit, ses camarades, eux aussi, n’ont pas manqué de voir en lui une des lumières de l’avenir. Il était joli… ça prenait… blanc et rose… tel que les petites demoiselles aiment à voir les petits jeunes gens. Et comme il avait l’humeur sensible, de la séduction dans la voix, comme il savait gentiment déclamer les vers des autres, et les pensées des autres…

grégoire, s’emportant. — Est-ce d’Hialmar Ekdal que vous parlez ainsi ?

relling. — Oui, avec votre permission, et cela, pour vous montrer l’intérieur de cette idole devant laquelle vous vous prosternez, la face contre terre.

grégoire. — Je ne me croyais pas entièrement aveugle, cependant.

relling. — Hé, hé ! Il ne s’en faut pas de beaucoup. Je vais vous dire : vous êtes un malade, vous aussi.