Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/165

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qui va chasser le lapin dans un grenier ? Il n’y a pas de trappeur plus heureux que ce vieux bonhomme, quand il trébuche dans le pêle-mêle qu’il y a là. Des arbres de Noël desséchés, qu’il conserve soigneusement, représentent exactement pour lui, la grande forêt d’Heydal, dans toute sa fraîche splendeur. Les coqs et les poules, ce sont les grands oiseaux perchés au faîte des sapins. Les lapins qui traversent le grenier en sautant, ce sont les ours auxquels il s’attaque, lui, l’alerte vieillard, l’homme du grand air.

grégoire. — Ce pauvre vieux lieutenant ! Ah oui ! Il a dû en rabattre, de ce qui servait d’idéal à sa jeunesse.

relling. — Écoutez, monsieur Werlé fils, ne vous servez donc pas de ce terme élevé d’idéal, quand nous avons pour cela, dans le langage usuel, l’excellente expression de mensonge.

grégoire. — Croyez-vous donc qu’il y ait quelque parenté entre ces deux termes ?

relling. — À peu près la même qu’entre ceux de typhus et de fièvre putride.

grégoire. — Docteur Relling ! Je ne me rendrai pas avant d’avoir arraché Hialmar de vos griffes.

relling. — Ce serait tant pis pour lui. Si vous ôtez le mensonge vital à un homme ordinaire, vous lui enlevez en même temps le bonheur. (À Hedwige qui revient du salon.) Allons ! la petite mère au canard,