Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/179

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grégoire. — Peux-tu croire sérieusement à la fausseté d’Hedwige envers toi ?

hialmar. — Qu’importe ce que je crois maintenant ! C’est Hedwige qui est sur mon chemin. C’est elle qui obscurcira toute mon existence.

grégoire. — Hedwige ! Tu parles d’Hedwige ? Comment pourrait-elle obscurcir ton existence ?

hialmar, sans répondre. — Que d’amour j’ai ressenti pour cette enfant ! Que de joie, chaque fois qu’en rentrant dans mon pauvre logis je la voyais accourir au-devant de moi, avec le petit clignotement de ses jolis yeux ! Ah, fou confiant que j’étais ! Je l’ai tant aimée ; et je me faisais un rêve poétique de l’amour qu’elle avait pour moi, à ce que je m’imaginais.

grégoire. — Tu appelles cela une imagination !

hialmar. — Comment puis-je le savoir ? Je ne peux rien tirer de Gina. Et avec cela, elle ressent nullement le côté idéal de ce qui se passe. Mais devant toi, Grégoire, j’éprouve le besoin d’ouvrir mon cœur. C’est ce doute affreux, vois-tu. Peut-être Hedwige n’a-t-elle jamais eu pour moi de véritable affection.

grégoire. — Elle pourrait te la prouver peut-être. (Il écoute.) Qu’est-ce donc ? Il me semble entendre crier le canard sauvage.

hialmar. — Oui, il caquète : c’est que mon père est au grenier.