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ROSMERSHOLM

victions et toutes les croyances que bon te semble, sur n’importe quel sujet, — mais, au nom du ciel, garde-les pour toi. Aussi bien, c’est là une question tout à fait personnelle. Je ne vois pas la moindre nécessité de crier cela par dessus les toits.

rosmer. — Ce qui pour moi est une nécessité, c’est de sortir d’une position fausse et louche.

kroll. — Mais les traditions de ta famille t’imposent des devoirs, Rosmer. Souviens-toi ! — Rosmersholm a été de temps immémorial un centre d’ordre et de discipline — un foyer pour toutes les opinions adoptées, respectées par l’élite de la société. Toute la contrée porte l’empreinte de Rosmersholm. Cela provoquerait un désordre irrémédiable si l’on apprenait que tu as renié toi-même ce que je voudrais appeler l’idée de famille des Rosmer.

rosmer. — Mon cher Kroll, je vois la chose autrement. Il me semble que j’ai le devoir absolu de répandre un peu de lumière et de joie dans une contrée que les Rosmer ont gardée pendant de longues années dans les ténèbres et l’oppression morale.

kroll, le regardant sévèrement. — Ce serait une digne mission pour le dernier rejeton de la race ! Laisse donc cela ! Ce n’est pas un travail qui te convienne. Tu es créé pour mener la tranquille existence d’un penseur.