Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
263
ROSMERSHOLM

rosmer. — Oui, quand on peut la traverser, la surmonter, la vaincre.

rébecca. — C’est là ce qu’il faut faire, Rosmer.

rosmer, secouant tristement la tête. — Oh ! je n’en sortirai jamais, il me restera toujours un doute, une interrogation dans l’esprit. Jamais je ne connaîtrai plus ce sentiment qui donne à la vie un charme inexprimable.

rébecca, plus bas, penchée sur le dossier. — Quel sentiment, Rosmer ?

rosmer, levant la tête pour la regarder. — Le plus calme, le plus joyeux de tous : la pureté de conscience.

rébecca, se reculant d’un pas. — Oui, la pureté de conscience.

(Un court silence.)

rosmer, regardant devant lui, le coude sur la table, la tête appuyée sur la main. Et comme elle a su tout combiner ! Quelle suite dans ses idées ! Elle commence par éprouver un doute au sujet de ma foi religieuse. D’où lui est venu ce doute, en ce moment-là ? Mais enfin il lui est venu. Puis c’est devenu une certitude. Et puis… Ah ! il lui a été si facile après cela de croire tout possible. (Se redressant et se passant les mains dans les cheveux.) Ah ! Toutes ces cruelles visions, jamais je ne pourrai m’en défaire ! Je le sens si bien. Je le sais.