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ROSMERSHOLM

c’est ce qui pouvait arriver de plus heureux à monsieur le pasteur ?

mme helseth. — Que voulez-vous dire, mademoiselle ?

rébecca. — Qu’il n’y eût pas d’enfants, n’est-ce pas ?

mme helseth. — Dame, je ne sais trop, mademoiselle.

rébecca. — Vous pouvez m’en croire. Le pasteur Rosmer n’est pas fait pour passer sa vie ici à écouter crier des enfants.

mme helseth. — Les petits enfants ne crient pas à Rosmersholm, mademoiselle.

rébecca, la regardant. — Ils ne crient pas ?

mme helseth. — De mémoire d’homme, on n’a entendu les petits enfants crier à Rosmersholm.

rébecca. — C’est bien extraordinaire.

mme helseth. — N’est-ce pas, mademoiselle ? C’est de famille. Et puis il y a encore une chose. Plus tard, ils ne rient jamais. Ils ne rient jamais durant toute leur vie.

rébecca. — Vraiment, ce serait bien singulier.

mme helseth. — Mademoiselle a-t-elle une seule fois vu ou entendu rire monsieur le pasteur ?

rébecca. — Non ; en y réfléchissant bien, je crois que vous avez raison. Mais il me semble que les gens, en général, ne rient pas beaucoup, dans cette contrée.