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THÉATRE

serai à toute l’assemblée ; aujourd’hui, je veux m’entretenir avec vous seule.

madame alving. — Bien, mousieur le pasteur, parlez.

le pasteur. — Vous souvenez-vous qu’après une année de mariage, à peine, vous vous êtes trouvée au bord même de l’abîme, que vous avez déserté votre foyer… que vous avez abandonné votre mari ? Oui, madame Alving… abandonné, abandonné, et vous avez refusé de revenir chez lui, malgré toutes ses prières, malgré toutes ses supplications.

madame alving. — Avez-vous oublié à quel point j’ai été malheureuse cette première année ?

le pasteur. — Chercher le bonheur dans cette vie, c’est là le véritable esprit de rébellion. Quel droit avons-nous au bonheur ? Non, nous devons faire notre devoir, madame, et votre devoir était de demeurer auprès de l’homme que vous aviez une fois choisi et auquel vous attachait un lien sacré.

madame alving. — Vous savez bien la vie que menait Alving à cette époque et de quels désordres il se rendait coupable.

le pasteur. — Je sais fort bien les bruits qui couraient sur son compte, et loin de moi l’intention d’approuver la conduite de sa jeunesse, pour autant que ces bruits fussent fondés. Mais une