Page:Ibsen - Les Revenants, La Maison de poupée, trad. Prozor, 1892.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
THÉATRE

l’obéissance, quelle bénédiction n’en est-il pas résulté pour tout le reste de votre vie ! Les choses ne se sont-elles pas arrangées comme je vous l’avais prédit ? Alving n’a-t-il pas dit adieu à tous les désordres de son existence, comme il sied à un homme ? Et, depuis, tous ses jours ne se sont-ils pas écoulés près de vous, dans l’amour et à l’abri de tout reproche ? N’est-il pas devenu le bienfaiteur de la contrée, et, vous-même, ne vous a-t-il pas élevée avec lui, en sorte que vous êtes devenue peu à peu sa collaboratrice ? et une vaillante collaboratrice, certes ! Oh ! je sais tout cela, madame Alving ; je vous dois cet éloge. Mais arrivons à ce qui, après celle-là, a été la grande erreur de votre vie.

madame alving. — Que voulez-vous dire ?

le pasteur. — De même que vous avez un jour renié les devoirs de l’épouse, vous avez renié plus tard ceux de la mère.

madame alving. — Ah !…

le pasteur. — Vous avez été dominée toute votre vie par une invincible confiance en vous-même. Vous n’avez jamais tendu qu’à l’affranchissement de tout joug et de toute loi. Jamais vous n’avez voulu supporter une chaîne quelle qu’elle fût. Tout ce qui vous gênait dans la vie, vous l’avez rejeté sans regret, sans hésitation, comme un fardeau insupportable, n’écoutant que votre