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LES REVENANTS

je n’avais pas eu mon devoir à accomplir. Ah, je puis dire que j’ai travaillé ! Tous ces résultats, la terre agrandie, le domaine amélioré, toutes ces œuvres utiles, dont Alving a recueilli l’honneur et la gloire, croyez-vous que ce soit lui qui les ait accomplis ? Lui qui, du matin au soir, était étendu sur son sofa, plongé dans la lecture d’un vieil almanach officiel ! Non, je veux que vous sachiez une chose encore : c’est moi qui l’y poussais en ses heures de lucidité ; c’est encore moi qui devais porter tout le fardeau, quand il se plongeait, selon son habitude, dans le désordre, ou s’abîmait dans un marasme sans nom.

le pasteur. — Et c’est à la mémoire de cet homme que vous élevez un monument ?

madame alving. — Vous voyez ce que peut une mauvaise conscience.

le pasteur. — Une mauvaise… ? Que voulez-vous dire ?

madame alving. — Il m’a toujours semblé que la vérité ne pouvait manquer de se faire jour et qu’elle finirait par être connue de tous. Aussi, cet asile est-il destiné, en quelque sorte, à faire taire toutes les rumeurs et à écarter tous les soupçons.

le pasteur. — Et vous n’avez certes pas manqué votre but, madame Alving.

madame alving. — Et puis, j’avais encore un